1989
Vertical Danse
(1989–2018)
Noemi Lapzeson
« Je me souviens de la peine d’avoir quitté le Bois (de la Bâtie), mais aussi de la joie de se trouver sous un toit pour fêter la naissance de Vertical Danse dans un spectacle de huit heures à Pitoëff. »
ImagePhilippe Albèra,
co-fondateur de l’ADC, coordinateur de la Salle Patiño (1984-1996)« C’était évident que Noemi devait avoir sa compagnie »
ImageJean-François Rohrbasser,
co-fondateur de l’ADC, coordinateur de la Salle Patiño (1974-1984)« Avec Vertical Danse, Noemi est devenue une chorégraphe parmi d’autres de l’ADC »
ImageDiane Decker,
danseuse & chorégraphe« Une belle idée irréaliste »
Nicole Simon-Vermot,
administratrice de l’ADC (1986-2022)« Claude Ratzé a séparé l’ADC et Vertical Danse en deux structures indépendantes »
ImageClaude Ratzé
directeur de l’ADC (1992-2017)« Vertical Danse figurait une utopie collective qui n’a pas fonctionné. Nous avons donc complété le nom en Vertical Danse – Compagnie Noemi Lapzeson pour clarifier la situation »
ImageFabienne Abramovich,
danseuse & chorégraphe« J’ai repoussé ma participation à plus tard. »
ImageYann Marussich,
danseur & chorégraphe« Dans les faits, Vertical est très vite devenue la compagnie de Noemi »
Philippe Albèra
co-fondateur de l’ADC,
coordinateur de la Salle Patiño (1984-1996)
« C’était évident qu’elle devait avoir sa compagnie. On a essayé de convaincre Noemi Lapzeson de la monter d’autant que l’ADC essuyait le reproche de lui être trop assimilée.
J’ai beaucoup poussé les gens à reproduire ce que j’ai fait à Contrechamps : fonder une structure, chercher de l’argent pour travailler dans des conditions décentes.
Je suis attaché à ces moments : on se débrouille, on bricole, c’est vivant. Je préfère les temps d’invention à ceux de stabilisation. Il faut assumer que les choses changent mais garder cet esprit d’inventivité. Lorsque l’entreprise s’institutionnalise, le quotidien devient pesant, routinier, on perd cet esprit militant, tous les rôles sont distribués… Mais c’est la pente naturelle. En tant que responsable, il faut préserver cet esprit combatif. »
Photos : 1991. Sequenzas/ Cantus Planus, co-production Vertical Danse – Ensemble Contrechamps.
« Mon souvenir le plus fort, en dehors de son premier solo à l’ERA, construit autour d’un minimalisme géométrique et des improvisations de Kohan, est attaché à son dernier spectacle, les Variations Goldberg : il me semble qu’elle est arrivée là à ce qu’elle recherchait, une pureté des geste essentiels, sensibles, non redondants.
On a beaucoup parlé de Bach, de son lien très fort au compositeur noué grâce à sa mère l’interprétant, chez elle, sur son grand harmonium à deux claviers et pédalier. J’étais un peu inquiet de ce qu’elle aurait pu chorégraphier… et j’ai finalement été très touché.C’était une vedette, quand même, avec ce côté séductrice dont elle jouait et qui attirait tout le monde autour d’elle. »
Jean-François Rohrbasser
co-fondateur de l’ADC,
coordinateur de la Salle Patiño (1974-1984)
« Noemi ne pouvait pas être la seule chorégraphe de l’ADC. Elle devait créer sa propre compagnie. Comme les autres. Avec Vertical Danse, Noemi est devenue une parmi d’autres de l’ADC, qui n’était pas plus mise en avant que Laura (Tanner), Yann (Marussich) ou Fabienne (Abramovich). »
Nicole Simon-Vermot
administratrice de l’ADC (1986-2022)
« Il y eut l’idée, l’envie de monter une compagnie solide, d’obtenir une forme de convention.
Les créations se produisaient au projet, il fallait, à chaque fois, déposer une demande.L’ambition de départ était immense : fonder une compagnie permanente pour réaliser les spectacles de Noemi, avec laquelle les membres pouvaient également concevoir leurs propres pièces. Cette troupe serait genevoise, et vaudoise avec la participation de Diane Decker et d’Armand Deladoey.
Ce fut la première compagnie genevoise subventionnée à l’année, en dehors du Ballet du Grand Théâtre.Mais Vertical et l’ADC se sont complètement imbriquées, une connivence compliquée à gérer. Trois ans après, Claude (Ratzé, directeur de l’ADC de 1992 à 2017) a séparé l’ADC et Vertical Danse en deux structures indépendantes. »
Claude Ratzé
directeur de l’ADC (1992-2017)
« J'avais de l'énergie à revendre »
« En 1992, j’ai postulé à Patiño pour un mandat mixte incluant la direction de l’ADC, la programmation de la danse à Patiño, la diffusion et la production de Vertical Danse. A cette époque, la ville et le canton accordaient une subvention unique à l’ADC et à Vertical – à nous de répartir les fonds.
Je suis arrivé à Patiño grâce à mon parcours de travailleur culturel free-lance (stage à Saint-Gervais, attaché de presse et chargé de communication à La Bâtie, mandats de promotion et de services de presse, pour le Festival de l’APIC par exemple, expérience chez Diagonale Promotion, où j’ai d’ailleurs donné carte blanche à Vertical Danse pour le Belluard Festival de 1992). Me voyant me déployer comme acteur culturel et engagé, Nicole (Simon-Vermot) a eu l’intuition que j’avais ma place auprès d’eux. Noemi Lapzeson aurait aimé quelqu’un de plus intellectuel. Mais j’avais de l’énergie à revendre.
Je ne m’étais jamais occupé de programmation : travailler dans la danse constituerait mon background pour autant que je fasse preuve de curiosité, de sensibilité pour ce milieu. J’ai dû m’immerger pour acquérir mon autonomie, face à Noemi surtout, très présente.
J’ai géré cette double casquette avec Nicole. Très vite, nous avons dû faire face au conflit d’intérêt que représentaient les développements conjoints de l’ADC et de Vertical Danse. En 1995, nous avons pris la décision de séparer Vertical Danse de l'ADC. »
« Quand j’ai débuté, Vertical Danse se voulait un collectif d’artistes. Noemi ne souhaitait pas être directrice de compagnie.
Chacun faisait une pièce, l’organisation devait être collégiale mais, en réalité, elle ne l’était pas. Vertical figurait une utopie collective qui n’a pas fonctionné. Nous avons donc complété le nom en Vertical Danse – Compagnie Noemi Lapzeson pour clarifier la situation. »
« Je suis arrivé à Patiño au moment d’Une certaine Ophélie réalisée par Yann Marussich. La chorégraphie s’est révélée assez cruelle pour Noemi, figurant une reine sur son trône. Dès qu’elle en descendait, on l’y remontait. Un indice que le collectif ne fonctionnait pas harmonieusement. » A contrario, Yann rappelle que le mouvement figurait l’intention opposée : « à chaque fois que Noemi montait sur son trône, on la sortait de scène… mais elle avait quand même un vrai solo dans le spectacle ! »
Claude Ratzé, directeur de l’ADC (1992-2017)
« L’aube des années 90 marque une grande transformation pour la danse contemporaine : c’est le début de la non-danse, celui de la danse conceptuelle, qui m’a accompagné. J’arrive à l’ADC dans un bon moment puisque ma découverte de ce monde artistique coïncide avec sa mutation. »
Diane Decker
Danseuse & chorégraphe
« Beaucoup de danseurs et danseuses réunis autour de Noemi Lapzeson espéraient une compagnie »
« J’avais un pied à Lausanne et un pied à Genève.
A Lausanne, nous avions créé un collectif de chorégraphes pour nous unir, toucher des subsides, partager un studio et créer nos propres pièces.
A Genève, beaucoup de danseurs et danseuses réunis autour de Noemi Lapzeson espéraient une compagnie. Noemi n’en avait aucune envie. Elle donnait des ateliers. Des solos, performances et courtes pièces ont émergé de ses cours. J’ai d’ailleurs présenté certaines pièces à l’Octogone de Pully ou à Patiño, inspirées notamment de ses conseils donnés dans cet esprit de stage.
Jean-François Rohrbasser m’a alors contactée pour une carte blanche à La Bâtie. C’est là que j’ai proposé à Noemi de créer cette fameuse compagnie dont ils parlaient depuis… 10 ans ? En mettant en commun nos subsides, ce package financier permettait de monter une troupe intercantonale (avec Armand Deladoey, également lausannois).
Nous avons rencontré Jean-François au Buffet de la Gare et lui avons fait part de notre idée : dédier une immense soirée à la danse contemporaine, avec des chorégraphies de Noemi, les miennes, celles de la compagnie. Il a accepté. Programmée à la salle Pitoëff le 12 septembre 1989, cette soirée a marqué la naissance de Vertical Danse composée de Sarah Ludi, Anja Schmidt, Nicolas Maye, Yann Marussich, Noemi et moi.
« Dès la première soirée fondatrice, tout fut attribué à Noemi »
Vertical était censée être un collectif de chorégraphes financé par nos subsides, dont les jeunes (Sarah, Anja et Yann) étaient employés. Chacun à son tour chorégraphiait pour les autres membres du groupe. Monteverdi, amours baroques, présenté en 1990 à Patiño, a signé notre première collaboration.
Nous étions partis dans un idéal qui s’est avéré, très vite, impossible à tenir. Dès la première soirée fondatrice, tout fut attribué à Noemi alors qu’Armand a livré sa performance Tristan et Iseut et a dansé mon duo Entre deux ; Yann a proposé son solo intitulé La Ballade ; Tues-tu, la création de Noemi, était loin d’être la seule.
En 1991, Sarah est partie chez Preljocaj, Yann et Armand n’ont pas participé à ma création, Rire, il a fallu engager des danseurs hors du collectif (dont Prisca Harsch, ancienne du Ballet Junior).
Je suis partie en 1992 me réimplanter à Lausanne. Et la compagnie est devenue Vertical Danse – Compagnie Noemi Lapzeson. »
« Maints danseurs du Grand Théâtre ont rejoint Vertical par la suite : Guilherme Botelho, Vanessa Mafé, Markus Siegenthaler… Je m’occupais de la transmission des rôles de Monteverdi, amours baroques (création de 1990) et de Sequenzas (création de 1991). »
Fabienne Abramovich
danseuse & chorégraphe
« La première fois que nous avons parlé de monter une compagnie, c’était dans une cuisine, ou un bistrot, avec Diane Decker, Françoise Jeanneret, Nathalie Locatelli, Armand Deladoey et Noemi Lapzeson. A cette époque, j’étais déjà engagée pour rejoindre le travail de la compagnie Vindhaxor d’Eva Lundqvist, à Stockholm. J’aimais tout chez elle, sa danse à la fois dans le sol et dans l’air, la souplesse des vêtements qui permettent d'être à l'aise…
J’ai repoussé ma participation à plus tard. Et ce fut trop tard. Mais cela m’a permis de réaliser mon parcours en parallèle, d’avoir mon propre espace et de développer mon travail de chorégraphe. »
« 1987. Ozone. Solo créé à mon retour de Stockholm.
C’est le momentum. Soit exactement le point de suspension idéal pour la release technique. A partir de ce point culminant, que l’on appelle le point mort, tout est possible. C’est ce que je travaillais en release. Le bras est juste, placé dans l’espace, sans effort. C’est simple mais techniquement parfait. »
« Mes premiers solos datent de 1984. En 1991, l’Association METAL produit mes spectacles et fonctionne comme une structure de production, à l’instar de Vertical.
Cette structure s’avérait nécessaire pour financer mes spectacles, rémunérer les danseurs et assumer les responsabilités. Mais cela ne m’empêchait pas de travailler avec d’autres chorégraphes en tant qu’interprète, au contraire, c’était une richesse. »
Yann Marussich
danseur & chorégraphe
Yann Marussich, danseur & performer
« C’était un élan. Souvent, les moments importants, les tournants se décident en un clin d’œil. C’est une évidence sur l’instant, qui n’est pas mûrement réfléchie. »
« Je suis arrivé à Genève en 1988. La première personne que Sarah Ludi m’a présentée était Noemi Lapzeson. A l’époque, elle dansait souvent en duo avec Armand Deladoey.
Noemi voulait fonder un collectif pour monter des créations, construire un répertoire avec plusieurs chorégraphes. C’était dans l’air du temps : Laura Tanner, Fabienne Abramovich, les Sœurs Cha-Cha n’avaient pas de réelle compagnie mais des collectifs assemblés pour un spectacle.
Mon arrivée a formalisé la création de Vertical Danse. Nous avons présenté plusieurs pièces à La Bâtie sous ce collectif. Et puis… dans les faits, Vertical est très vite devenue la compagnie de Noemi. J’en ai claqué la porte en 1992, après avoir créé Une certaine Ophélie. »