1970s
Les festivals
1974
Contact 74Salles Pitoëff et communale de Plainpalais
Courts ballets, musique, théâtre, courts-métrages en 16mm, cinéma super 8, interventions plastiques, spectacles pour enfants, exposition de bandes dessinées…
1976
West Broadway FestivalCentre d’Art Contemporain, Salle Patiño
Art contemporain interdisciplinaire (musique, danse, peinture, théâtre)
1977-
La Bâtie FestivalBois de la Bâtie puis salles en ville
Pluridisciplinaire (théâtre, musique, cinéma, vidéo, danse…)
1983-1993
Festival de danse moderne de VernierSalle des Fêtes du Lignon
Danse contemporaine
1974
Contact 74
« Nous voulons donner la parole à tous les artistes qui, du fait de la commercialisation de l’art actuellement, ne peuvent pas profiter des circuits de distribution habituels et sont enfermés dans des sortes de ghettos. Nous voulons détruire le culte des idoles et le vedettariat. Voilà notre idée de base. »
Les organisateurs
« Ici, précisément, prime un effort pour diffuser autrement les formes d’art. C’est le fait marquant de cette manifestation.
D’abord, tout a été prévu pour rassembler les gens et susciter la liesse. C’est le besoin ressenti par la plupart des visiteurs, dont certains ont le visage peint et de beaux vêtements bariolés. On se promène d’un local à l’autre, on passe du cinéma ‘underground’ à la danse, du jazz à la chanson. On peut discuter, manger des plats orientaux, boire et fumer. Les premiers jours, les enfants ont fait des dessins sur les murs recouverts de papier.
« La fête n’implique-t-elle pas toujours le chaos avant d’engendrer son propre ordre, éphémère ? »
Pour toutes ces licences prises, qui contribuaient beaucoup à une réception plus vivante de l’art, les organisateurs devront payer 2'000 francs d’amende. Les normes de sécurité et le sens de la fête n’ont jamais fait bon ménage. La fête n’implique-t-elle pas toujours le chaos avant d’engendrer son propre ordre, éphémère ? (...) Dans l'aventure qu'ils ont menée rondement, Tim Newman et ses amis ont perdu 15000 francs. Souhaitons qu'il ne se découragent pas et qu'ils recommencent bientôt! »
Il n'y a pas eu de deuxième édition.
D.J., Journal de Genève, 28.05.1974
Quatre avant leurs retentissants succès à la Salle Patiño où ils ont fait salle comble avec leur Espace Danse et Dernière Contredanse, le duo Pit et Phil – alias Peter Heubi et Philippe Dahlmann, ex-danseurs du Ballet du Marquis de Cuevas et du Grand Théâtre – partage l’affiche de ce festival « complètement nouveau, par sa forme multimédia, par la combinaison des artistes qui y sont présents, par la combinaison des différents arts qui y sont représentés. On a réussi à mettre en présence de la vidéo, du cinéma, du théâtre, du ballet et de la musique sur une même scène. Et on a réussi, pour la première fois, à donner une forme de créativité au public. »
Les organisateurs
1976
West Broadway Festival
Adelina Von Fürstenberg propose de monter au Centre d’Art Contemporain, dans les sous-sols de la Salle Patiño, le West Broadway Festival – du nom de ce quartier de Manhattan où les artistes de la scène contemporaine résidaient tous. C'est à l'occasion de ses séjours annuels à New York qu'elle les fréquente, le chorégraphe Merce Cunningham, les musiciens John Cage et Philip Glass, le peintre Robert Rauschenberg, la chorégraphe et danseuse Trisha Brown, etc.
Durant un mois, le programme réunit « un ensemble cohérent d’artistes qui travaillent en commun et dont la création est réellement interdisciplinaire. »
S’y produisent, pour la danse, Nancy Topf et Trisha Brown, deux représentantes de la Modern Dance américaine.
Un an plus tard, La Salle Patiño ouvre sa saison avec le cycle de manifestations intitulé « Danse-rencontres » mis sur pied par Monise Bergamin, assistante d’Adelina Von Fürstenberg au Centre d’Art Contemporain. Le programme poursuit l’exploration des tendances les plus avancées du courant contemporain en proposant la danse-théâtre balinaise de la Cie Patra, la « nouvelle danse américaine » de Douglas Dunn, la création de la toute nouvelle Cie Dominique Bagouet, la danse-théâtre de Susan Buirge, enseignante à l’ERA, la performance du Cercle ainsi que l’atelier-spectacle de Marie-Lou Mango. »
Monise Bergamin, assistante d’Adelina Von Fürstenberg au Centre d’Art Contemporain
« C’est Marie-Lou Mango qui nous a signalé Dominique Bagouet comme danseur et chorégraphe prometteur. Tout en blanc, presque acrobatique, on avait l’impression qu’il volait… Son spectacle a effectivement fait salle comble, le public s’exclamait en pleine représentation. C’était une atmosphère extraordinaire, bouillonnante… »
1977-
La Bâtie
La Bâtie s’inscrit dans la lignée des événements genevois de 1968-75. Des formules hybrides entre revendication politico-artistique et grande fête populaire marquées par la production de groupes marginaux exclus des circuits de diffusion établis, la gratuité, la spontanéité des scènes libres, la fluidité, la proximité du public, appelé à participer si ce n’est à circuler librement (refus de la frontalité).
La danse s’invite dans le bois dès l’année 1978 : des troupes locales, pièces d’improvisation dansées par Danièle Golette Barde et Marie-Lou Mango de l’Atelier Baudit ou Peter Heubi, ex-soliste chez le Marquis de Cuevas et au Grand Théâtre, membre du duo Pit et Phil.
Les vedettes internationales foulent la scène à partir de 1981 : Min Tanaka, danseur et chorégraphe japonais disciple de Tatsumi Hijikata, fondateur du butô, puis Elsa Wolliaston, jamaïcaine installée à Paris en 1969, pionnière de la danse africaine, tous deux acclamés à la Salle Patiño l’année précédente.
Récemment installée à Genève, déjà auréolée de solos et performances reconnus dans le milieu, Noemi Lapzeson illumine en 1982 la prairie, tournoyant sur elle-même durant 20min en long tutu blanc, accompagnée de la flûte traversière d’Igor Francesco.
Rapidement dénoncé comme une kermesse géante pour mangeurs de saucisses, le festival mue successivement de 1981 à 1988 : sélection des artistes et des stands (1981), durée prolongée à deux semaines et investissements de salles en ville (1982), commandes et productions du festival, représentations payantes et subventions (1983), départ définitif du Bois (1984), abandon de la forme festivalière (1986), professionnalisation des militants culturels pour une affirmation de la diversité pluridisciplinaire des arts de la scène (1989) menant à la reconnaissance médiatique (1990-).
1978–1981. Danièle Golette Barde
« Notre recherche portait sur un geste qui partait de l’intérieur de soi pour sortir des clichés de l’impro, atteindre une autre dimension de soi-même à travers un ressenti librement exploré et enrichir notre vocabulaire chorégraphique. Dès qu’un mouvement devenait intéressant, nous le développions et créions un spectacle. »
Danièle Golette Barde, danseuse & chorégraphe
1982. Noemi Lapzeson
« Je me souviens d’avoir acheté une grosse paire de bottes de caoutchouc pour pouvoir marcher dans la boue en mangeant des empanadas.
Je me souviens d’avoir tourné en tutu sur une planche de bois un soir de lune naissante entre deux pluies (le public toujours avec les pieds dans la boue). »
Noemi Lapzeson
« C’est une pièce faite sur mesure par elle, pour elle, qui lui permettait d’utiliser toute sa force, sa sensualité, son animalité, son humour. Une performance unique. La captation de La Bâtie donne une bonne idée de sa formidable concentration. »
Laura Tanner, danseuse & chorégraphe
Interrogée sur le public du Festival, Noemi Lapzeson répondra brièvement : « les gens venaient se balader et manger des saucisses », une attitude plus indifférente qu’agressive à sa performance pour laquelle, dansée un mois plus tard au Palladium, à minuit, elle recevra plusieurs canettes de bière sur la tête.
Claude Ratzé, directeur de l’ADC (1992-2017)
« Il y avait une concordance Bâtie-ADC, nous étions des militants de la danse contemporaine, dans le sillon de Jean-François Rohrbasser (directeur artistique de 1987 à 1995). Un certain nombre de critères avait été posé : il était impossible de programmer une pièce néoclassique à l’ADC comme à La Bâtie par exemple. »
Le mouvement politico-artistique est initié par le Living Theatre. Interrompue à Avignon, la troupe new-yorkaise, invitée à Genève, présente du 20 au 24 août 1968 son Paradise Now au Pavillon des sports (contigü au Palais des expositions) : expérience collective libre, nue et provocante dont les autorités souligneront « la vulgarité, l’indécence et le caractère pornographique ».
En écho au désordre qui s’ensuivit à la fin des représentations, Jean-François Rorhbasser se souvient que, la nuit du 21, « tout le monde est sorti dans la rue après le spectacle car les russes venaient d’envahir Prague : une manifestation de soutien se formait spontanément. »
« Le public peut être d’un interventionnisme vengeur »
Salle communale de Plainpalais, septembre 1984. Attirée par le titre Lac des cygnes, une famille s’est retrouvée fort dépitée de l’absence de corps de ballet en tutus.
Collaborateur de Bob Wilson, praticien du spinning (l’art de tourner), Andy de Groat traita dans un vocabulaire minimal le chef-d’œuvre de Petipa, déambulations énergiques de trois danseurs en maillots rayés ou combinaison mauve. « Le public peut être d’un interventionnisme vengeur : une danseuse du Grand Théâtre, excédée par les tracés de la version post-moderne, descend bruyamment les gradins, monte sur scène et se met tout simplement à imiter les danseurs » raconte la journaliste Caroline Coutau.
Le journaliste Jean-Pierre Pastori se souvient, lui, de la spontanéité de Myriam Naisy, sortie du public pour tourner avec eux.
1983-93
Festival de danse
contemporaine
de Vernier
Prisca Harsch, danseuse & chorégraphe
« Vernier a agi comme un élément déclencheur pour notre 1e volée du Ballet Junior. Il s’en dégageait une fraîcheur, une inventivité, un travail de recherche sur le mouvement. On découvrait toute une gamme ! »
Annette Girardot, responsable culturelle, Mairie de Vernier
« J’aime la danse contemporaine. Un jour, Catherine Dupré, professeure de danse dotée d’une excellente culture en la matière, est venue me voir pour me proposer de monter un festival de danse contemporaine, en même temps que le festival Vernier sur Rock se mettait en place.
J’ai soumis l’idée à la commission de la culture : les autorités m’ont immédiatement fait confiance et m’ont donné carte blanche. Nous avons composé la programmation avec Catherine, j’ai supervisé le budget et lancé un concours d’affiche pour la 1e édition. On a formé un sacré binôme pendant 10 ans.
Les autorités m’ont immédiatement fait confiance et m’ont donné carte blanche
Nous allions voir les compagnies avant de les engager. Bien souvent à Paris, en Italie, à Avignon aussi, durant le festival. Nous partions avec nos techniciens : la Salle des Fêtes du Lignon n’étant pas une salle de danse, nous devions être sûres de pouvoir satisfaire les exigences techniques requises par chaque spectacle.
Nous avions d’ailleurs inversé le rapport scène-salle pour optimiser l’espace : le gradin occupait la place de la scène et vice versa. Même si les compagnies emmenaient leurs ingénieurs du son et éclairagistes, il nous fallait tout de même deux à trois semaines de montage. »
Annette Girardot, responsable culturelle, Mairie de Vernier
« Nous avions presque une longueur d’avance. Beaucoup de gens venaient pour découvrir, la salle était pleine. Mais ce n’était pas une partie facile. L’ADC l’a mal pris, la collaboration ne s’est pas avérée très bonne. N’étant pas du milieu, ils jugeaient, de notre part, la concurrence un peu rude. »
Annette Girardot, responsable culturelle, Mairie de Vernier
« Un des points capitaux de l’aventure était l’organisation d’ateliers de danse et de bords plateau avec les chorégraphes invités. Question d’ouverture et de partage.
Les stages n’étaient pas si évidents pour les participants, jeunes, sans trop d’expérience et de connaissances. Maguy Marin, Bill T. Jones ou Christian Mattis devaient faire attention à l’intensité du cours qu’ils leur donnaient. »
Stages et workshops
A l’image de Vernier, chaque grande manifestation mit en place des workshops avec les chorégraphes invités : disponibilité des danseurs, curiosité et soif d’apprendre, diffusion des différents courants et techniques, la formule était très appréciée.
Ces stages ont grandement participé à l’épanouissement de la danse contemporaine genevoise.