1993
L'ADC-Studio
Les premiers cours y sont organisés en journée : danse contemporaine, release, contact-improvisation, mouvement comédiens, respiration intégrale et anatomie pratique.
En 1993, sous l’impulsion de Yann Marussich, le rythme s’accélère : la programmation de l'ADC-Studio comme celle de la scène libre s’étoffent. Des 12 premiers chorégraphes invités qui inaugurent le studio, on passe vite à plus d'une trentaine les années suivantes. Tremplin ou banc d'essai pour pièces en cours de création, la scène libre accueille régulièrement, de son côté, une dizaine de jeunes artistes.
Du mardi soir au mercredi à l’aube, Yann et Florent Nolain montent la base technique : câblage électrique, projecteurs. Le jeudi soir, à la libération du studio, répétition générale. Les différents groupes finissent rarement avant 3h du matin. Les représentations ont lieu du vendredi au dimanche : la même angoisse de la venue hypothétique du public sourd, même si, régulièrement, la petite jauge de 85 places prive les retardataires de spectacle. Les soirées se finissent en grandes tablées au squat, la nuit dominicale impose le démontage et le rangement pour rendre au studio sa vocation pédagogique.
L'ADC-Studio
Regards croisés
ImageYann Marussich
« Un relais des créations off de la danse contemporaine »
Nicole Simon-Vermot
« Les performances présentées par l'ADC-Studio ont servi de tremplin pour l’ADC »
ImageCindy Van Acker
« Un espace de liberté »
Claude Ratzé
« Les jeunes chorégraphes qui n’appartenaient à aucun circuit se produisaient au studio de l’ADC. C’était comme un grand magasin déstructuré. »
Yann Marussich
« Un relais des créations off de la danse contemporaine »
« Dynamiser. Provoquer. Susciter. Inviter.
A mon départ de Vertical Danse, en 1992, je voulais lancer un projet indépendant : créer un réseau de danseurs et chorégraphes à travers toute l’Europe, leur dédier un lieu d’expérimentation. Je l’ai exposé à Nicole (Simon-Vermot, administratrice de l’ADC). Nous avons alors développé l’ADC-Studio à travers une programmation internationale pointue, centrée sur les solos, et une scène libre.
Je venais de Paris, je connaissais toute la danse contemporaine française, j’avais vécu cette dynamique extraordinaire des années 80 que je voulais recréer, je suis allé chercher les locaux : Cindy (Van Acker) était une super danseuse, je l’ai débauchée du Grand Théâtre, Gilles (Jobin), très ambitieux, très présent, voulait s’impliquer avec nous.
Les représentations avaient lieu le week-end, ensuite, j’emmenais tout le monde manger au squat du Rhino, voire j’y logeais certains pendant que des performances très underground s’y donnaient.
Claude (Ratzé, directeur de l’ADC de 1992 à 2017) et moi avons évolué ensemble, par synergies. Je lui ai appris à comprendre les vrais besoins des danseurs, les vertus de l’accueil et du retour franc sur les spectacles. Il est devenu l’exemple parfait de l’accueil parfait. »
« Toute cette période fut magique. Il y avait une saine émulation, une énergie débordante et constante qui donnait envie de faire. Une telle génération ne se rencontre pas tous les dix ans. »
« En 1994, j’ai repris la programmation de l’Usine en compagnie d’Anne Rosset et Gilles Jobin. Nous avons décidé de co-produire et programmer la saison 94-95, puis les suivantes, entre l’ADC-Studio et l’Usine. Jusqu’en 1998 où l’Usine a alors assumé exclusivement la fonction d’émergence. »
Claude Ratzé,
directeur de l’ADC (1992-2017)
« Tous les jeunes chorégraphes qui n’appartenaient à aucun circuit (Patiño, etc.) se produisaient ponctuellement au studio de l’ADC. C’était comme un grand magasin déstructuré.
En confiant à Yann une mission de structuration de ces ruisseaux d’émergence avec un budget que nous lui avions trouvé, tout en lui assurant une carte blanche, je l’ai conforté dans son rôle de précurseur, qu’il a joué jusqu’à son départ. »
Claude Ratzé, directeur de l’ADC (1992-2017)
« L’ADC n’était pas l’endroit de l’émergence. C’était celui de la reconnaissance, de la professionnalisation. »
Cindy Van Acker
Danseuse et chorégraphe
« J’allais prendre des cours au Studio avec Odile (Ferrard), Laura (Tanner) et Noemi (Lapzeson). Le soir, après m’être inscrite sur le calendrier des répétitions, je pouvais y accéder pour développer mes recherches, jusqu’à minuit.
Yann (Marussich) était très en contact avec tout le milieu de la danse, les élèves des cours du Studio, ceux qui sortaient du Grand Théâtre, ceux à qui il avait envie de proposer sa scène. C’était un petit milieu. Ça se passait en parlant, autour d’un thé, ou dans le couloir… Du moment où il y avait du temps et de l’espace disponibles, ce n’était pas très compliqué de décider de tel ou tel week-end de représentation.
Florent (Nolain) et lui étaient vraiment très disponibles, notamment pour mettre en place toute la technique. Yann faisait la lumière pour les créations locales. A l’écoute de nos propositions, il apportait un regard artistique sur nos pièces, rebondissait vite sur ce qu’il captait de ce qu’on essayait de faire.
J’y ai participé quatre années de suite, tout en allant voir également beaucoup d’expérimentations : le travail de La Ribot, montré pour la première fois, le solo de Gilles Jobin avec son caddie de la Migros, la performance de Javier de Frutos, magnifique ! »
« Je ne pourrais jamais être assez reconnaissante de l’existence de cette scène »
1995. Invités de l’ADC-Studio. Javier de Frutos, performer de l’emblématique Sacre, La Ribot et Gilles Jobin.
Cindy Van Acker, danseuse & chorégraphe
« Six mois avant Pierres de pluie de Laura Tanner, j’ai créé Sans fards sur la scène libre du Grütli, en collaboration avec le vidéaste Grégoire Baer. J’avais 3 projecteurs super8 pour toute lumière. A un moment donné, un des projecteurs éclairait un drap blanc sur lequel était projeté le film de Grégoire – il n’y avait pas d’images, simplement la pellicule qu’il avait grattée ; de la poussière s’était déposée dans ces ponctuations et laissait des traces sur le film ; c’était un travail de la matière première, très minimaliste.
D’abord, je traversais de cour à jardin dans le faisceau. Puis, le film était projeté, manifeste très clair d’anti-séduction. Surtout, ne pas chercher à plaire ! De ¾ dans la diagonale, je le regardais en formant des ombres. Je finissais par une traversée vers l’avant, à genoux, une séquence de mouvements avec les bras, formalisée mais inspirée des gestes du quotidien. »
« J’étais en crise avec la danse. Pour ces propositions, s’il y avait un geste, il fallait qu’il ait un sens. »
Cindy Van Acker, danseuse & chorégraphe
« 1996. Quotidien démuni. Un solo pour lequel j’étais pendue par les pieds, sur la musique du groupe Rage Against The Machine. Je me balançais puis j’attrapais une échelle pour me libérer.
J’avais réalisé le montage sonore sur une K7, avec un micro FisherPrice en plastique et un ghetto-blaster.
J’avais également pris des photos en noir et blanc en ville, devant les panneaux publicitaires, pour dénoncer la séduction et la pub. Je les distribuais sous forme de tracts à la fin. Chacun était tamponné d’une phrase de Jenny Holzer, une artiste américaine qui a beaucoup travaillé sur le texte affiché dans l’espace public en écrivant des phases-choc, anti-consuméristes. »
Nicole Simon-Vermot,
administratrice de l’ADC (1986-2022)
« Scène ouverte sous l’aile de l’ADC pendant quelques années, l’ADC-Studio a joué un rôle similaire à celui de la Salle Patiño mais sous forme de pièces courtes, avec peu de lumières, très peu de technique, peu de temps de répétition et d’installation. Les performances présentées ont servi de tremplin pour l’ADC : Gilles Jobin et Cindy Van Acker (dès 1993 sur la scène libre) ont ainsi poursuivi leur chemin jusqu’à être programmés par l’ADC (Gilles en 1999 et Cindy en 2002). »
« L’ADC-Studio a joué un rôle similaire à celui de la Salle Patiño mais sous forme de pièces courtes »